samedi 14 mai 2011

Une convention entre actionnaires : Un luxe ou une nécessité ?

Jean Robert LeBlanc, LL.B., M.B.A., Avocat
Il était une fois… Éric, Dany, Jacques, Micheline et Jean-Marie qui étaient, pour certains des frères et sœurs et pour d’autres des cousins. Ils possédaient tous des actions, selon des pourcentages différents, dans la compagnie familiale. Ils se partageaient la conduite des affaires de la compagnie. Certaines tensions sont nées en raison de visions divergentes. Deux clans se sont alors formés et affrontés. Le dialogue est devenu nettement impossible. Le fonctionnement de la compagnie étant, à toutes fins pratiques paralysé, un tribunal a ordonné la liquidation de la compagnie. Comme le clan de Jacques et Micheline avait soumis une meilleure offre, les actifs leur ont été vendus. Éric, Dany et Jean-Marie ont ainsi perdu leur poule aux œufs d’or.

Il était une fois… François qui dirigeait depuis quelques années une entreprise québécoise, filiale d’une société du Texas, qui fabriquait et distribuait ses produits au Québec. La société texane connaissant des difficultés financières a offert à François d’acheter l’usine locale. Il avait besoin d’un associé avec du capital pour procéder à cette acquisition. Guy, un ami, est alors devenu le partenaire de François. À moyen terme, l’acquisition s’est avérée exigeante sur les liquidités de la compagnie. Des désaccords sur la gestion financière de l’entreprise ont éclaté entre les deux amis. Guy a évincé François. Une bataille judiciaire s’est engagée. La survie de la compagnie est maintenant en péril.

Des histoires d’horreur comme celles-là sont malheureusement trop fréquentes.

Le lecteur comprendra donc que l’opinion de l’auteur est à l’effet qu’une convention entre actionnaires n’est pas un luxe mais un instrument essentiel pour encadrer les relations des actionnaires d’une compagnie (ou d’une société par actions de régime fédéral) entre eux et avec la compagnie.

La convention entre actionnaires n’éliminera pas magiquement toutes les possibilités de tensions, de conflits ou de mauvaise foi mais elle sera, au cours de l’existence de la compagnie, un outil privilégié pour les prévenir et pour prévoir des solutions pratiques, le cas échéant, ainsi que lors des événements inévitables de la vie.

La convention entre actionnaires étant un instrument de prévention, les actionnaires devraient la conclure au tout début des activités de la compagnie, au moment de sa constitution ou de l’achat d’une entreprise. En l’absence d’une telle sagesse, il faudrait au moins qu’une convention soit signée pendant que les rapports entre les actionnaires sont encore harmonieux car lorsqu’un conflit sérieux éclate, il est souvent trop tard pour amener les opposants à s’entendre sur les règles régissant leur désaccord.

Une convention entre actionnaire peut être verbale ou écrite. Toutefois, la prudence élémentaire incitera les actionnaires concernés à établir leur convention par écrit pour ainsi éviter toute difficulté éventuelle de preuve devant un tribunal et pour prévenir toute défaillance de mémoire d’un ou de plusieurs actionnaires.

Chaque convention entre actionnaires est unique et doit être rédigée par un conseiller juridique qui connaît et comprend bien les besoins des actionnaires et de leur compagnie.

Toutefois, en règle générale les conventions entre actionnaires visent un ou plusieurs des objectifs suivants :

* Prévoir les modalités pour l’élection des administrateurs;
* Assurer le maintien des proportions de détention d’actions entre les actionnaires;
* Assurer un marché pour les actions en cas d’invalidité, de maladie grave, de décès, de retrait volontaire ou forcé et de désaccord important;
* Établir un mécanisme d’évaluation des actions à intervalle régulier;
* Prévoir les modalités de vente des actions;
* Éviter l’introduction dans l’actionnariat de personnes indésirables;
* Établir un mode de règlement des différends;
* Protéger les actionnaires et la compagnie des actes frauduleux;
* Prévenir la concurrence par les actionnaires pendant qu’ils sont actionnaires et après leur départ;

Selon les besoins spécifiques de chacun, toutes sortes de clauses peuvent être inscrites dans une convention entre actionnaires pourvu qu’elles ne heurtent pas les bonnes mœurs et l’ordre public. En terminant, il est utile de souligner qu’une convention entre actionnaires doit être révisée périodiquement pour tenir compte de l’évolution des activités de l’entreprise, de la croissance de la valeur de la compagnie ou de l’arrivée ou du départ d’un ou plusieurs actionnaires.

Enfin, pour assurer l’application des différentes dispositions des conventions entre actionnaires, plusieurs d’entre elles prévoient un dépôt (entiercement) des actions auprès d’une personne neutre tel le conseiller juridique de la compagnie ainsi que l’obligation de souscrire des assurances pour permettre l’achat des actions par les autres actionnaires ou par la compagnie en cas de décès ou de maladie grave de l’un d’eux.

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